L'interview

Une interview exclusive de Guillaume Musso sur l'écriture, son rapport au succès et les inspirations littéraires et cinématographiques de l'écrivain.

L'écriture

Comment êtes-vous venu à l'écriture ?

Comme c’est souvent le cas dans les parcours d’auteur, c’est la lecture qui a précédé l’écriture.

Mon engouement pour les romans remonte à mes dix ans. Bien que ma mère soit bibliothécaire, les livres m’avaient toujours ennuyé jusque-là. Pour tout dire, je n’aimais que les BD ! Et puis, tout à coup, j’ai lu une histoire qui m’a enthousiasmé : Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë.

À partir de là, j’ai passé beaucoup de mes étés à lire dans un coin de la bibliothèque au lieu d’aller à la plage ! À l’adolescence, on n’a peur de rien et on n’hésite pas à se lancer dans des marathons de lecture. Je me souviens ainsi d’avoir enchaîné Guerre et Paix, Anna Karenine, L’Éducation sentimentale, Madame Bovary

Puis la lecture a fait naître un désir d’écriture. Le déclencheur a été un concours de nouvelles organisé par un professeur de français en classe de seconde. J’avais écrit une histoire imprégnée de surnaturel qui lorgnait à la fois vers Stephen King et vers Le Grand Meaulnes. Et c’est moi qui ai gagné… La surprise de voir qu’un produit de mon imaginaire pouvait trouver un écho chez les autres m’a encouragé à continuer à écrire.

L'écriture est-elle pour vous une sorte de prédisposition ? Une nécessité ?

Anaïs Nin a dit un jour: « Je crois que l'on écrit pour créer un monde dans lequel on puisse vivre. » Pour moi, c'est exactement ça. L'écriture est un prolongement de la lecture, laquelle représente un moyen privilégié de m'évader de la réalité, du quotidien, du côté parfois insupportable de la vie.

Pourquoi les êtres humains ont-ils besoin qu'on leur raconte des histoires ? Sans doute parce que « la réalité est mal faite » comme l'écrivait Vargas Llosa, car « elle n'est pas suffisante pour satisfaire les désirs, les appétits, les rêves humains ».

La frustration que me procure la réalité est donc le véritable moteur de mon écriture, ma vraie source d’inspiration.

D'où viennent vos idées ? Quelles sont vos sources d'inspiration ?

Dans son livre, Écriture, Mémoires d’un métier, Stephen King écrit avec raison : « Les idées de bonnes histoires paraissent littéralement jaillir de nulle part et vous tomber dessus du haut d'un ciel vide. » Le véritable travail du romancier consiste alors à faire le tri, à identifier dans le flot des idées celles qui pourraient éventuellement se transformer en roman.

Mes sources d’inspiration sont multiples : mon propre vécu, l'actualité, la fiction sous toutes ses formes… J'aime aussi beaucoup observer les gens, au restaurant, dans les cafés, le métro, les magasins... C'est ce que j'appelle mon « goût des autres ». Ça permet de capter l'air du temps, de saisir des situations, des dialogues, des émotions… Dès que quelque chose me marque, je le note dans mon ordinateur ou sur mon carnet, et, au bout d'un moment, à force de confronter des idées les unes aux autres, certaines vont se relier entre elles et une trame finit par se dégager.

Cela dit, le processus de création reste toujours très mystérieux : une étincelle, des flashs qui fusent, des idées qui s’imbriquent et s’agrègent pour, petit à petit, former l’ossature d’une histoire…

Comment bâtissez-vous vos histoires ? Quelle est votre méthode de travail ?

Je garde toujours en tête un principe de base : écrire des livres que j'apprécierais en tant que lecteur. Je n'essaie surtout pas d'appliquer une formule ! Ça ne marche pas et ça dénature le plaisir d'écrire. J'essaie plutôt de raconter une histoire qui s'accorde avec mes sentiments à moment.

Concernant l’écriture proprement dite, le genre qui est le mien m’impose de mettre en place une ossature solide et d’être vigilant à la cohérence de l’intrigue. Pour l’écriture de mes premiers romans, je peaufinais durant plusieurs mois la structure du livre, son « squelette ». J'avais besoin de savoir où j’allais, même si je ne savais pas toujours quel chemin j’allais emprunter pour y arriver.

Je pouvais donc passer beaucoup de temps pour mettre en place une ossature proche d’un mécanisme d'horlogerie, en travaillant sur l'enchaînement des chapitres, la divulgation progressive des indices, les retournements de situation, un découpage quasi cinématographique de mon histoire.

Parallèlement, je réfléchissais et travaillais beaucoup sur les personnages. J’'avais besoin de les connaître parfaitement pour rentrer en empathie avec eux et pour qu'au cours du processus d'écriture se produise cette alchimie mystérieuse qui va faire naître l'émotion.

Au fil des années, votre méthode d'écriture a-t-elle changé ?

Comme un artisan, disons que je maîtrise beaucoup plus mon savoir-faire.

Mes histoires ont des intrigues plus denses et mes personnages sont plus nuancés. Ce qui n’a pas changé, c’est mon attachement à ce que mes romans procurent un plaisir de lecture et offrent un vrai moment d’évasion.

Ma priorité reste donc le côté addictif de l’histoire, la volonté d’adopter une narration moderne qui entraîne le lecteur dans mon univers, mais je me lance désormais beaucoup plus rapidement dans la rédaction. Je me laisse guider par le déroulement de l’histoire et je me fais davantage confiance pour trouver des solutions en cas de blocage. Beaucoup de rebondissements s’imposent dorénavant pendant la rédaction du roman.

Cette spontanéité et cette assurance sont relativement nouvelles chez moi. Si elles impliquent une plus grande incertitude, elles ont aussi quelque chose de plus instinctif et, pour tout dire, de plus jubilatoire ! L’imprévu devient même le moment le plus excitant : lorsque les personnages tentent de vous échapper et de vous imposer des choses ! De là naissent des retournements de situation que l'on n'avait pas imaginés au départ.

Avez-vous des habitudes d'écriture ? Où travaillez-vous ? Dans le silence ou en musique ? Sur ordinateur ou sur papier ?

Ma journée de travail ressemble à celle d’un artisan. J’essaie d’écrire tous les jours et d’avoir une certaine discipline tout en refusant de me laisser entraver par des rituels trop stricts.

J'essaie de travailler partout : bureau, cafés, TGV, avion. J'ai d'ailleurs remarqué que beaucoup de mes idées me venaient dans les aéroports ou à l'étranger. J'écris mes chapitres les uns après les autres, sur ordinateur – toujours sur un Mac et avec un traitement de texte configuré d'une façon très précise – puis de longues corrections sur papier puis à nouveau sur ordinateur et ainsi de suite. Il y a autant d'aller-retour que nécessaire.